Un peu d'Histoire
Francois-Xavier GILARDONI Thièbaut-Joseph GILARDONI
Naissance de la tuile moderne
Jusqu'au début du XIXe siècle, on n'utilisait guère en France que trois sortes de tuiles : la tuile canal au sud de la Loire, la tuile plate au nord et la panne dans le Nord. Toutes ces tuiles étaient fabriquées artisanalement par des tuiliers qui ne travaillaient que d'avril à novembre.
La révolution dans le domaine de la fabrication des tuiles date de 1841. Elle est l'œuvre des frères GILARDONI, Thiébaut-Joseph (1805-1864) et François-Xavier (1807-1893), installés à Altkirch, en Alsace, et qui mettent au point une tuile plate avec système d'emboîtement et canaux d'écoulement intérieur pour laquelle ils obtiennent un brevet d'invention de 10 ans le 25 mars 1841.
Le principe retenu consiste à assembler latéralement les tuiles et à diminuer leur recouvrement : ainsi se dégage un pureau important qui permet de réduire le nombre de tuiles au mètre carré (13 ou 14 selon le modèle) pour un poids d'environ
La tuile Gilardoni est à simple emboîtement et recouvrement. Elle présente en son milieu un losange, nervure de renforcement, qui évite l'affaissement au séchage et sert de point d'appui au couvreur. Sous le losange, une saillie triangulaire dirige l'eau de part et d'autre de la jointure des deux tuiles inférieures, puisqu'elles se posent à joints croisés, ce qui nécessite l'emploi de demi-tuiles aux bords du toit. Au revers, la tuile possède deux tenons qui permettent de la maintenir au lattis ; elle est aussi pourvue d'un panneton percé d'un trou dans lequel on peut passer un fil de fer qu'on attache au liteau.
Cette tuile, fruit d'une longue recherche, fabriquée à l'aide d'une presse, obtint rapidement un vif succès en Alsace à une époque où l'industrie est en plein essor et où les bâtiments industriels sont de plus en plus nombreux. Ensuite, elle est économique parce que produite en grand nombre ; il en faut peu au mètre carré ; elle autorise une charpente plus légère et, comme elle est facile à poser, les coûts de main d'œuvre sont moins élevés.
Le succès de la tuile losangée fut tel que des tuiliers, à Marseille, dans les Vosges, dans le Rhône...., obtiennent des frères Gilardoni qu'ils cèdent leur brevet. Plus tard, lorsque le brevet d'invention est tombé dans le domaine public, beaucoup de tuiliers se sont mis à produire de la tuile losangée. L'ère de la tuile artisanale était terminée.
La tuile violon
Elle tire son nom de sa forme qui la fait ressembler à une boîte à violon. C'est un tuilier de Vyt-les-Belvoir, dans le Doubs, Jean-Sylvestre ROBELIN qui est à l'origine de ce modèle. Robelin obtient en 1844 un brevet d'invention de quinze ans pour un modèle de tuile original qui présente une partie rectangulaire avec trois bords relevés et qui se continue par sorte de manche, l'ensemble présentant une partie centrale légèrement bombée. Alors qu'il est domicilié en Alsace, en 1846, Robelin présente sa tuile au comité de mécanique de la Société industrielle de Mulhouse (S.I.M) qui formule bien des observations sur ce modèle.
La même année, Robelin cède son brevet à Albert SCHLUMBERGER, un ancien notaire de Mulhouse, qui a sollicité du préfet du Haut-Rhin l'autorisation d'établir une tuilerie, ce qui lui est accordé en janvier 1848. Peu de temps après, Schlumberger présente au comité de mécanique de la S.I.M. une tuile qui n'a plus, de celle de Robelin, que la forme et qui est la tuile violon. Il ne semble pas que Schlumberger ait déposé une demande de brevet pour son "invention" et ce modèle de tuile connaît assez vite un vif succès .... en dehors de l'Alsace. Après 1850, on assiste à une éclosion de tuiles violon qui se ressemblent toutes et ne se différencient que par d'infimes détails. Cette tuile a surtout été fabriquée en Lorraine (Vosges et Meuse), en Champagne (Marne et Aube), en Côte d'Or et dans le Doubs.
Tuile de ROBELIN Tuile de SCHLUMBERGER
Toutes ces tuiles présentent les mêmes caractéristiques. Elles se posent côte à côte, comme les tuiles plates, et possèdent un double recouvrement à joints croisés. Elles sont dotées :
- d’un tenon pour l’accrochage sur le lattis,
- d'un rebord qui contient l'eau
- d’une nervure en forme de fer à cheval qui empêche, elle aussi, le reflux des eaux et permet le double recouvrement,
- d’une flèche en relief qui renforce la tuile, oriente l’eau qui s’écoule vers les augets des tuiles inférieures,
- d’une sous-face en partie évidée pour permettre l'emboitement et alléger le poids de la tuile.
En règle générale, il faut une quarantaine de tuiles violon pour couvrir un mètre carré dont le poids excède rarement 50 kilos.
La fabrication de la tuile violon a totalement cessé après la Première Guerre Mondiale. De rares toits en sont encore couverts aujourd'hui et sont condamnés à disparaître faute de tuiles à moins que l'on ne s'adresse à de rares petits ateliers qui peuvent en fournir à la demande.
LE MENILOT
ANTEFIXE (tuile de finition en bas de toit)
musée de la Graufesenque à Millau
toit romain
La tuile romaine
Lorsque les armées de César pénètrent en Gaule, elles trouvent un pays très forestier, peuplé d'agriculteurs et d'artisans dont l'habitat est constitué de huttes rondes, parfois rectangulaires, recouvertes d'une épaisse couche de paille, roseaux ou genêts, ou encore, selon les régions, de planchettes de bois (chêne ou châtaignier en basse altitude, résineux en montagne), de pierres calcaires, de lauzes de schiste, d'ardoise brute…
Il n’est pas question pour l’occupant de construire avec les mêmes matériaux que ceux qu’utilisent les Gaulois. Aussi, en ce qui concerne la couverture des habitations urbaines, des villas rurales et des bâtiments importants (temples, thermes…), l’usage de la tuile se répand, sauf dans les régions où le réseau de communications ne pénètre pratiquement pas : la Bretagne, les massifs montagneux.
Les Romains utilisent deux sortes de tuiles, modèles qu’ils ont empruntés aux Grecs et répandus dans tout l’empire :
- la tegula (du verbe « tegere » : couvrir), rectangle plat et épais (2,5 cm) aux bords longitudinaux relevés verticalement pour canaliser l’eau et éviter qu'elle ne pénètre dans les interstices latéraux. Elle est pourvue à ses extrémités d’encoches permettant aux tegulae de s’encastrer les unes dans les autres pour former, du faîte à la base du toit, un canal continu conduisant l’eau de pluie hors de la surface couverte. Les tegulae sont simplement posées sur le toit et sont maintenues par leur propre poids ; la pente est faible et il ne semble pas que les tegulae aient eu tendance à glisser. Les tegulae mesurent généralement entre 35 et 45 cm de long pour 30 à 35 de large et pèsent de 8 à 10 kg.
- l’imbrex, tuile la plupart du temps de forme semi-cylindrique, faite pour recevoir la pluie (« imber » en latin), sert de couvre-joint. Elle est posée à cheval sur deux tegulae juxtaposées et maintenue par un mortier à la chaux. Les imbrices sont plus étroites à une extrémité afin de s’emboîter sous la tuile supérieure ; ainsi, elles se recouvrent l’une l’autre et forment une arête continue qui rejette l’eau de pluie dans le canal formé par les tegulae. Leur longueur est égale à celle des tegulae, et leur largeur varie, selon l’extrémité, de 16 cm à 19 cm
A l’égout du toit, des plaques verticales, ornées généralement d'une palmette ou d'une tête de Mercure, font corps avec l'imbrex située à l'extrémité de chaque ligne d'imbrices : ce sont les antéfixes qui servent à masquer l'extrémité des imbrices et la jointure des tegulae.
L'étanchéité du faîtage est assurée par une ligne d'imbrices. Celles-ci peuvent être d'un modèle courant et maintenues par un mortier de chaux ; ou alors elles présentent un découpage qui permet l'encastrement avec les couvre-joints de la toiture.
Le toit romain est à faible pente (25° maximum) parce que les tuiles sont simplement posées et se maintiennent par leur poids ; comme elles sont lourdes, elles nécessitent une solide charpente.
DEUX NOUVELLES TUILES :
TUILES DEMIMUID TUILE PETIT
TOIT TUILES PETIT
Deux tuiles particulères
Dans les années qui ont suivi l’invention de la tuile à emboîtement et recouvrement par les frères Gilardoni d’Altkirch en 1841, de nombreux tuiliers ont inventé des modèles de tuiles originales qui n’ont pas le même succès que la tuile Gilardoni .
Parmi ces inventions, deux méritent d’être signalées. D’abord, celle de DEMIMUID, fabricant de tuiles installé à Commercy (Meuse) pour laquelle il obtient, en 1856, un certificat d’addition à son brevet de quinze ans de 1854. Cette nouvelle tuile qui a la forme d’une amande, présente la particularité d’être à double face ou réversible. Dans l’exposé de sa demande de certificat d’addition, Demimuid justifie la forme de sa tuile : « Il arrive parfois que, malgré les soins apportés à la fabrication, la tuile, soit pendant le séchage, soit pendant la cuisson, se voile de manière à rendre la pose difficile, ce qui nuit toujours à la parfaite régularité de la couverture, en laissant, par suite du gauchissement, des parties de tuiles non appuyées sur les autres. Le nouveau perfectionnement obvie à ces inconvénients en permettant de retourner la tuile et de la poser sur la face qui paraît la plus convenable à l’ouvrier chargé de la pose. »
La tuile de Demimuid pèse 1,250 kg et il en faut 28 au mètre carré, ce qui représente un poids de 35 kg, inférieur à celui de la tuile Gilardoni.
Quelques années plus tard, en 1859, Victor PETIT de rambervillers (Vosges) btient un brevet d’invention de quinze ans pour une tuile aussi à double face. Si elle présente la même forme que celle de Demimuid, elle en diffère par le poids et l’aspect. Cette tuile, dit Petit, « diffère de celles connues jusqu’à ce jour non seulement par sa forme et ses dimensions, mais aussi par une disposition nouvelle qui en permet l’emploi sur les deux faces dans le cas où l’un des crochets d’attaches serait cassé ou soit qu’un des côtés se prêterait mieux que l’autre à la pose. »
La tuile de Petit pèse en moyenne 1,9 kg et à raison de 18 tuiles au mètre, le poids en est de 35 kg, ce qui représente la moitié de celui des tuiles canal.